Le siège du FGIS à Libreville Credit:© 2025 D.R./Le Radar
Une enquête d’Africa Intelligence, publiée la semaine dernière, met en lumière les dérives du Fonds gabonais d’investissement stratégique (FGIS), censé être le fer de lance de la diversification économique du Gabon.
Doté d’environ 300 millions d’euros, le fonds est aujourd’hui exsangue, miné par la mauvaise gouvernance, les luttes d’influence et des investissements hasardeux.
Créé en 2012 par Ali Bongo Ondimba, le FGIS bras opérationnel du Fonds souverain de la République gabonaise (FSRG) devait accompagner le pays dans l’après-pétrole. Mais, selon des documents internes consultés par Africa Intelligence, la structure a rapidement dévié de sa mission initiale.
Fin 2023, la trésorerie disponible ne représentait plus que 10 % du capital de départ, et près de la moitié des actifs étaient dépréciés.
Une gestion opaque et des projets ratés
Sous la direction de Serge Thierry Mickoto Chavagne (2012-2019), ancien cadre de la BGFIBank et proche du palais présidentiel, le FGIS a connu une gestion jugée opaque et artisanale. Aucun audit ni bilan comptable n’a été rendu public depuis 2016. Plusieurs projets emblématiques se sont soldés par des échecs coûteux :
• Earthlab, programme spatial, abandonné en 2017 après deux ans d’exploitation pour un coût de 2,2 milliards de FCFA ;
• Banque gabonaise de développement (BGD), liquidée en 2022 ;
• Comptoir gabonais de collecte de l’or, à l’arrêt depuis 2020.
Même le partenariat avec l’homme d’affaires franco-marocain Yariv Elbaz, à travers les sociétés Agriland et InfraPPP, n’a produit aucun résultat, malgré un investissement de 5 milliards de FCFA. Le projet culturel African Music Institute, financé à hauteur de 5,7 milliards, est également à l’abandon.
Le tournant Akim Daouda
En 2020, Akim Daouda est nommé directeur général pour tenter de restaurer la gouvernance. Des réformes sont amorcées : certification des comptes, renforcement du conseil d’administration, création d’une direction juridique. Le fonds investit dans plusieurs projets structurants, dont le barrage de Kinguélé Aval et le projet immobilier de la Baie des Rois à Libreville.
Mais la crise du Covid-19 et les tensions politiques autour de Noureddin Bongo, alors coordinateur des affaires présidentielles, freinent les ambitions. Le FGIS reste perçu comme un instrument du clan présidentiel.
Après le coup d’État, la chute
Le coup d’État du 30 août 2023 place le FGIS sous la loupe du régime de transition. Des enquêtes sont ouvertes, plusieurs dirigeants auditionnés, et le fonds passe sous la tutelle du ministère de l’Économie.
Depuis, les démissions se multiplient : trois directeurs se sont succédé sans relancer l’institution.
L’actuel directeur général, Serge Brice Ngodjou, peine à redresser la structure, tandis que le ministre de l’Économie, Henri-Claude Oyima, renforce son contrôle. Il a ordonné que les dividendes des filiales soient désormais versés au Trésor public. Avec une dette estimée à 27 milliards de FCFA, dont 12 milliards à rembourser avant la fin de l’année, le fonds souverain gabonais est au bord du défaut de paiement.
Ce dossier illustre la faillite d’un instrument créé pour préparer le Gabon à l’après-pétrole. Rappelons que, dans une publication du 9 octobre 2025, notre rédaction avait déjà pointé certaines dérives dans la gouvernance du FGIS, notamment l’existence de réseaux informels de location de véhicules.